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Saint Pierre le Clair
19 décembre 2017

St Pierre le Clair site géodésique

 

 

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  Un belvédère depuis longtemps célèbre :

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               Depuis les hauteurs de St Pierre, formidable belvédère, l'oeil embrasse un vaste panorama : une large portion de la partie Est des Pyrénées, toutes les hautes Corbières, la Montagne Noire, l'ensemble du Lauraguais jusqu'aux portes de Toulouse. C'est l'un des plus remarquables points de vue audois, reconnu comme tel depuis le XVIIIè siècle. Il fait partie des sites géodésiques qui ont servi de point d'appui au canevas géométrique des premières cartes dignes de ce nom : les cartes de Cassini .

               De grands noms de la science française du siècle des Lumières y sont passés pour effectuer les visées qu'ils ne pouvaient effectuer en nul autre endroit, car depuis St Pierre-le-Clair on peut observer à la fois le Pic de Nore, le Mt Alaric, le Pic de Bugarach, le Canigou et le St Barthélémy. Grâce aux mesures angulaires reliant ces divers points, ils ont pu tracer le Méridien de Paris, méridien 0 de référence utilisé en France pour connaître la longitude et l'heure avant l'adoption de celui de Greenwich en 1884.

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Astronomes à l'oeuvre devant l'Observatoire de Paris au XVIIè siècle.

 

 

 

 le "grand ouvrage de la Méridienne" :

 

 

              La grande aventure le la méridienne, c'est à dire de la "ligne de Midi", avait commencé en 1667. C'est au coeur même de l'Observatoire de Paris en chantier que la ligne méridienne fut déterminée à partir de l'ombre portée du soleil à Midi le jour du solstice d'été, le 21 juin 1667. Il ne restait plus qu'à prolonger cet axe vers le Nord et vers le Sud pour tracer le Méridien de Paris, une tâche difficile en l'absence de cartes fiables.

 

 

 Observatoire_de_Paris-Meridienne

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  La Méridienne de l'Observatoire entourée de ses triangles (la chapelle St Pierre est mentionnée en bas à gauche du Méridien).

 

 

             

  Le travail consistait à effectuer des mesures de triangulation tout en déterminant la latitude par rapport au Soleil et aux étoiles. Seuls les astronomes maîtrisaient ces techniques de précision. Colbert venait de fonder l'Académie Royale des Sciences pour réunir les compétences nécessaires. Il fit venir d'Italie en 1669 le meilleur astronome de son temps , Gian-Domenico Cassini. Poursuivant l'oeuvre de Galilée, Cassini avait dressé la première carte de la Lune et beaucoup étudié Saturne et Jupiter. En observant les éclipses des quatres satellites de Jupiter, il venait de mettre au point une méthode pour calculer la longitude, ce qu'on ne savait pas faire alors de façon satisfaisante .

 

portrait JD Cassini BNF

 

              On avait donc besoin du Méridien de Paris pour établir la mesure de la longitude sur des bases sûres. C'était indispensable pour naviguer sur toutes les mers du globe sans se perdre, mais aussi pour rectifier la cartographie de la France. Sur les anciennes cartes, la France était trop large de 100 km d'Est en Ouest, et paraissait plus grande que la réalité. Aussi le Roi Louis XIV fit-il remarquer avec humour qu'il se sentait mal récompensé par le travail de ses astronomes, puisqu'ils lui avaient fait perdre plus de territoire que toutes ses guerres. Sans doute ces derniers auraient-ils pu répondre qu'ils ne lui avaient pas coûté aussi cher ...

 

carte de France corrigée 1693visite de l'Académie par Louis XIV

Carte de France corrigée : 1693

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                                           Le Roi Louis XIV en visite à l'Académie des Sciences .

 

 

les astronomes académiciens à St Pierre-le-Clair :

 

                    C'est donc à ce "grand ouvrage de la méridienne" que travaillent les astronomes qui montent à St Pierre -le -Clair en cette mi-janvier 1701. Ces cinq savants de l'Académie des Sciences avaient quitté Paris et son Observatoire quelques mois plus tôt. A la tête de l'expédition, l'éminent Jean-Dominique Cassini, à présent septuagénaire et presque aveugle. Il est secondé par son fils Jacques, astronome lui aussi, qui se charge de la plupart des visées. Les autres membres de l'équipe sont Giacomo Maraldi, astronome, Pierre Couplet géomètre de l'Académie, et Mathieu de Chazelles, cartographe de marine qui exerçait à Marseille. C'est grâce au journal de voyage de ce dernier que nous sommes le mieux renseignés sur l'itinéraire des savants géodésiens.

 

 

mesure quart de cercle nuit

                             Visée nocturne au quart de cercle

 

 

                En décembre 1700, les voiçi à Castres et dans la Montagne Noire. De là ils atteignent Fanjeaux d'où l'on apperçoit très bien St Pierre-le-Clair, qu'ils peuvent donc commencer à viser. Ils arrivent à Limoux le 7 janvier 1701 où ils restent bloqués deux jours par le mauvais temps : "Le 9 il s'éclaircit un peu, on alla observer à la chapelle St Pierre-le-Clair une lieue au SO de Limoux, les Pirénées ne se découvrirent point ny la Montagne Noire, on vit Fanjeaux, St Félix, Carcassonne."

          Les conditions  sont loin d'être idéales pour mener à bien leurs triangulations. Ils regagnent donc Limoux et reviennent le lendemain en espérant trouver un ciel plus clair : "Le 10 on retourna à la chapelle St Pierre, on vit Bugarach, mais point les Pirénées, ny la Montagne Noire." Il leur fallait absolument pouvoir observer le Canigou, repère essentiel. Mais la météo ne s'améliore toujours pas : " Le 11 grosse pluye le matin, le soir brume." Pas question dans ces conditions de retouner à St Pierre . "Le 12 le ciel s'éclaircit un peu, on observa la Montagne Noire et le Canigou confusément." Mais l'horizon n'était pas assez dégagé pour garantir la fiabilité des mesures angulaires. Ils devront retourner à la chapelle St Pierre le 16 janvier pour compléter leurs visées.

 

instruments astronomie XVII è

quart de cercle

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         Instruments d'astronomie du XVIIè                                                                                                                                                                                                                                       quart de cercle en station verticale

 

 

 

 

 

Les opérations géodésiques

 

             Ils se servent pour cela d'un instrument d'astronomie  utilisé aussi pour mesurer la position des astres : le quart de cercle. Sur un chassis d'un mètre de rayon en forme de quart de cercle, sont montées deux lunettes mobiles grâce auxquelles on peut viser en même temps deux points à l'horizon. On peut en mesurer ainsi l'écart angulaire, et évaluer les distances. Les astronomes font pivoter leurs lunettes, notent les mesures que leur indique l'arc gradué. Ils recommencent leurs visées plusieurs fois pour réduire le risque d'erreur, ce qui les oblige à rester au moins 4 heures au même endroit.

      

 

quart de cercle en station horizontal 

  visée géodésique au quart de cercle en station horizontale

 

 

 

              Une nouvelle campagne de mesures sera faite en 1739 par le fils de Jacques Cassini, César François Cassini de Thury, en suivant le même itinéraire du Nord au Sud de la France à peu de choses près. Il s'agit là d'un opération de géodésie pure, destinée à connaître  la forme ou "figure de la Terre". L'Académie des Sciences voulait en avoir le coeur net, car certains savants à la suite de Descartes voyaient la Terre allongée aux pôles, un peu en forme de citron, alors que d'autres , inspirés par les idées de Newton, estimaient que la Terre était aplatie aux pôles et renflée à l'Equateur, comme une orange. Les nouveaux résultats ont donné raison aux newtoniens, si bien que depuis lors nous savons que le Terre ressemble plus à une orange qu'à un citron...

 

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  Séance d'observation nocturne devant l'Observatoire de Paris au XVIIIè siècle

 

             Une ultime mesure du méridien de Paris aura lieu en 1795 : les astronomes Pierre Méchain et Jean-Baptiste Delambre reprennnent toutes les triangulations. Il s'agissait alors de déterminer avec précision la valeur du mètre-étalon, que l'Assemblée Constituante venait d'adopter comme nouvelle unité de mesure en 1791. Le mètre était censé correspondre à la dix millionième partie du quart d'un méridien terrestre, soit la distance entre Dunkerque et Barcelone, qu'il s'agissait de mesurer sans se tromper, au risque de fausser la valeur du mètre. Les astronomes géodésiens disposaient alors d'un nouvel instrument, beaucoup plus précis : le cercle répétiteur. Une fois établi sur des bases sûres, le mètre pouvait être adopté par tous les pays et devenir une unité universelle, ce qui est presque le cas de nos jours.

 

Pour en savoir plus:  voir  l'émission "Le Dessous des Cartes" de Jean-Christophe Victor ( Arte , 19-3-2011)

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cassini couleur

 

 

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